Gaming Partners International (2015)
L’impossible actualisation d’un parfait modèle d’optimisation/évasion fiscale (publié nov 2016)
Cette entreprise de production de jetons de casino s’était distinguée en 2013 par la mise en œuvre d’une stratégie agressive, mais étonnamment transparente, d’optimisation/évasion fiscale. La vente de la clientèle pour une bouchée de pain à une filiale située à Macao et la pratique de prix de transfert s’étaient effectués au grand jour. Sentiment d’impunité ou provocation ?
Dans l’annexe du rapport 2013, validé par le commissaire aux comptes, il était clairement mentionné que les ventes des jetons de casino à la filiale de Macao « ne sont pas conclues dans les conditions normales du marché », véritable aveu d’évasion fiscale.
Dans un article publié en septembre 2015, nous avions dénoncé cette pratique aux conséquences catastrophiques pour l’emploi, les salariés et la collectivité.
Et sur un an, notre analyse a été lue 500 fois, très exactement, générant certainement quelques remous à Beaune… et conduisant les dirigeants à ne plus déposer les comptes, pour éviter toute actualisation de leur stratégie mortifère !
Et pourtant cette entreprise quasi centenaire, restée longtemps indépendante avait développé un savoir faire qui lui avait valu une notoriété dans le monde entier.
L’intégration, en 2000, dans le groupe américain Gaming Partners International Corporation, constituera une première étape vers la dépendance.
Mais son sort sera définitivement scellé quand, en 2012, la clientèle de GPI France sera vendue à une filiale de Macao, réduisant ainsi le site à une simple fonction de production pour le groupe.
Les conséquences seront immédiates, chiffre d’affaires, effectifs et résultats connaissent une chute vertigineuse dés 2013, laissant entrevoir un avenir bien sombre pour cette petite entreprise.
Une histoire ancienne
Sous la dénomination, B&G, Bourgogne et Grasset (du nom de ses deux fondateurs), cette société fut créée en 1920 pour répondre à un besoin de sécurité.
“Un jour de 1925 Mr Claudius Grasset lut dans le journal Le Figaro que le casino de Monte Carlo qui utilisait des plaques gravées en ivoire et nacre massive avait été victime d’un très important cas de contrefaçon et avait perdu 600 000 Francs » (site GPI)
Mr Bourgogne et Mr Grasset virent l’opportunité d’utiliser leur technique d’impression sur plastique pour
« solutionner le problème de contrefaçon. Ils eurent l’idée de créer une nouvelle génération de jetons qui allait garantir une totale sécurité aux casinos. Leur ingénieux process fut perfectionné en créant de nouvelles plaques de casino en feuilles de plastique laminées, pratiquement inimitables”(site GPI)
Après la seconde guerre mondiale, la société se développa et acquit une solide réputation
“Le dernier Shah d’Iran et le dernier roi Farouk en Egypte avaient tous deux leurs collections personnelles de jetons B&G fabriqués à l’usine de Beaune” (site GPI)
Par la suite B&G diversifia ses produits, au delà des jetons et plaques avec la fabrication de roulettes à Beaune, puis de tables de jeux et autres accessoires.
En 2000, B&G fit l’acquisition de la société Bud Jones et fusionna avec la société Paul-Son Gaming, dans le but d’offrir un service unique en matière d’approvisionnement pour les casinos.
Le regroupement de ces 3 entreprises, B&G (Beaune en France), Bud Jones (Las Vegas,USA) et Paul Son Gaming (USA et Mexique) fut à l’origine de la constitution du Groupe Gaming Partners International Corporation et B&G à Beaune prit la dénomination de Gaming Partners International (GPI)
L’organisation de GPI Corporation, une structure pyramidale à 3 niveaux
Au premier niveau, 3 sites de production, Beaune en France, San Luis au Mexique et Las Vegas aux USA et des sites de commercialisation répartis en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Asie, Europe, Australie et Afrique du Sud “pour servir les casinos dans toutes les régions”
Au deuxième niveau, la société mère située à Las Vegas “Gaming Partners International Corp”
Au troisième niveau la Holding “Holding Wilson” située à Paris qui est un fonds de placement
La place de GPI Beaune dans cette structure
Jusqu’en 2012, GPI à Beaune assurait à la fois sa production et ses ventes, à travers le monde entier.
Ainsi en 2011, sur un chiffre d’affaires total de 24 millions €, 22 millions étaient réalisés en Asie (principalement à Macao et Singapour), 2 millions en Europe, 1 million aux USA et 0,4 million dans les autres pays.
Sur les huit dernières années (2004 à 2011),en moyenne annuelle, le chiffre d’affaires a été de 21 millions €, le résultat net de 2,2 millions € et le dividende distribué de 2,1 millions € (en rémunération d’un capital investi dans l’entreprise de 8 millions €)
Toujours sur la même période, les effectifs moyens ont été de 230 salariés, avec des variations importantes d‘une année sur l’autre, une pointe de 381 salariés en 2006 et un creux de 186 salariés en 2010. Ces évolutions semblent traduire un recours important à des recrutements en CDD.
Deux principales caractéristiques sur la période 2004/2011 pour GPI Beaune
Un bon niveau de rentabilité : les résultats dégagés représentaient 25% du capital investi
La rapacité des actionnaires : les dividendes ont absorbé la totalité du bénéfice
Mais sur la même période, GPI a dû payer, en moyenne annuelle, à l’Etat des impôts sur le bénéfice de 1,1 million € et une participation de 366 milliers €, pour les salariés.
Comment éviter, ce qui pour l’actionnaire représentait un « gâchis », ces versements à l’Etat et aux salariés ? En transférant la marge à l’étranger ! Aussitôt dit, aussitôt fait !
Décisions fatales de l’année 2012
Au cours de l’année 2012, le fonds de commerce (clientèle) de GPI Dijon fut vendu à la filiale de Macao, comme en atteste cette parution dans une publication officielle
21 – COTE-D’OR
GREFFE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE DIJON
89 – . GAMING PARTNERS INTERNATIONAL ASIA LIMITED, SOCIÉTE DE DROIT CHINOIS. Forme : Société de droit étranger. Adresse : Alameda Dr Carlos d’Assumpcao no 180 Tong Nam Ah Central Comercio, 4 Andar H Macau (SAR) CHINE Chine.
Origine du fonds : Fonds acquis par achat au prix stipulé de 3 176 219 Euros.
Etablissement : Etablissement complémentaire. Activité : Cession partielle de la clientèle sur le territoire de l’Asie et l’Australasie, (éléments incorporels uniquement).
Adresse : .
Précédent propriétaire : GAMING PARTNERS INTERNATIONAL. 515 720 647 RCS Dijon.
Date de commencement de l’activité : 01/07/2012. Publication légale : Terres de Bourgogne du 05/11/2012.
Oppositions :
GAMING PARTNERS INTERNATIONAL, ZI Beaune Savigny Lieudit La Champagne, 21420 Savigny les Beaune.
Commentaires : Achat d’un fonds par une personne morale (insertion provisoire).
Pour un montant de 3,2 millions € représentant seulement 1,5 mois de son chiffre d’affaires annuel, la société GPI était totalement dépouillée de sa clientèle, acquise après des décennies d’efforts commerciaux et mise dans une situation de totale dépendance vis-à-vis de l’étranger, Chine et Etats Unis.
Pour l’année 2012, cette vente de fonds de commerce a généré un impôt sur le bénéfice de 1,3 million € et une participation aux salariés de 0,6 million €.
Mais les actionnaires ne furent pas en reste, ils prirent un montant de dividendes de 4 millions €, prélevant ainsi non seulement la totalité du bénéfice 2012 (2,9 millions €) mais aussi une partie des réserves passées (1,1 million €)
A partir de 2013, les transferts de marge vont fonctionner à plein régime , mettant fin aux impôts sur le bénéfice et aussi,bien évidemment, à la participation pour les salariés
Années 2013 et 2014 : un brutal transfert de marge
Les ventes de la production de GPI Beaune vont s’effectuer en quasi-totalité aux filiales étrangères, Macao ou Las Vegas à des prix bradés.
L’aveu en est fait dans les comptes publiés, en particulier dans l’annexe sous le titre « Transactions effectuées avec des parties liées qui ne sont pas conclues aux conditions normales de marché », ce qui signifie en clair que les prix pratiqués avec les autres filiales étaient en dessous du prix du marché.
Si ce libellé apparaissait déjà en 2010 et 2011 , les montants indiqués étaient faibles par rapport aux chiffres d’affaires, en 2010, 3% du chiffre d’affaires total, en 2011, 8% du chiffre d’affaires et en 2013, c’est 78% du chiffre d’affaires.
En 2013, les trois quart du chiffre d’affaires de GPI Beaune » n’étaient donc plus conclus aux conditions normales du marché ».
Or il est illicite de pratiquer des prix de transferts inférieurs aux conditions normales du marché et cet aveu en 2013 pourrait bien coûter un redressement fiscal. Conscient de l’erreur commise, il sera, alors, affirmé dans le rapport suivant (2014) que les transactions sont effectuées au prix du marché.
Conséquences : une chute du chiffre d’affaires et des résultats
Les chiffres d’affaires pour 2013 et 2014 s’effondrent et ne représentent plus que la moitié de ceux des années antérieures.Et le niveau des résultats suit cette même évolution : déficitaire en 2013, légèrement bénéficiaire en 2014, avec des conséquences fiscales et socialesl : l’impôt sur le bénéfice devient négatif par le jeu des crédits recherche et du CICE et la participation des salariés est nulle.
Une baisse drastique des effectifs et une augmentation du CICE
Le niveau des effectifs est à son point le plus bas depuis 10 ans, passant de 230 salariés en 2011 à 128 salariés en 2014. Et pourtant GPI percevra le CICE pour un montant de 111 000 € en 2013 et de 176 000 € en 2014. Le commentaire sur l’utilisation du CICE se passe … de commentaires
« Ces sommes lui ont permis de défendre ses parts de marché, financer ses investissements et ses efforts en matière de recherche et de développement. Toutes ces actions ont contribué et participé à la sauvegarde de l’emploi »
Une petite nuance : un environnement dégradé
Cependant, pour être objectif, la dégradation des comptes constatée sur GPI trouve une partie de son origine dans la dégradation de l’environnement général : les comptes consolidés du groupe font aussi apparaitre une baisse des ventes et du résultat, mais celui-ci reste cependant largement positif.
Une actualisation impossible sur 2015
En 2015, les comptes ne seront pas déposés, évitant ainsi toute nouvelle dénonciation de la stratégie mortifère et de l’évasion fiscale .Est-ce la réaction à notre article lu 500 fois ? La question se pose et devrait inciter tous les acteurs locaux à diffuser largement l’information.
Sources
Site internet GPI
Comptes financiers 2003 à 2014
Rapports financiers 2011, 2013 et 2014
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