Coût du Capital
publié sept 2015
Une notion difficile, peu familière et bien masquée
Rôle du Travail et du Capital dans l’activité des entreprises
Pour assurer une production de biens ou de services, deux facteurs sont indispensables, le travail et le capital. Ce dernier représente l’argent nécessaire pour financer les machines, le stock et pour disposer d’avance de trésorerie sur les comptes en banque.
Le travail, comme le capital doivent être rémunérés, ce qui constitue aussi un coût pour l’entreprise.
Si la notion du coût du travail est clairement identifiée, voire même stigmatisée, il n’en va pas de même pour le coût du capital, beaucoup plus difficile à appréhender. De temps en temps, on entend bien que les entreprises du CAC 40 ont distribué des dizaines de milliards d’euros de dividendes, mais c’est tellement énorme et loin de la réalité de chacun que cela n’a plus de signification, ni d’impact.
Notre objectif est de donner une réalité à ce coût du capital, qui pèse très lourd sur l’activité des entreprises, générant souvent de graves difficultés, bien loin du discours de la pensée unique sur le manque de compétitivité lié au coût du travail.
Capital emprunté, capital apporté
Une entreprise peut avoir recours à deux types de financement, l’emprunt auprès des banques et l’apport de capital des actionnaires, dénommé capital social.
Le coût de l’emprunt ne pose pas de problème, l’entreprise doit rembourser le capital emprunté et payer un intérêt : celui-ci est déterminé d’avance, et sauf à avoir eu recours à des emprunts dits «toxiques », le montant des annuités est parfaitement connu, les intérêts constituent une charge pour l’entreprise.
La rémunération du capital apporté par l’actionnaire est décidé unilatéralement par l’actionnaire, c’est un pouvoir totalement discrétionnaire sans aucun contrepouvoir . En outre, le coût du capital est le plus souvent masqué aux yeux des salariés.
Coût du capital une notion difficile et peu familière
Coût du capital et dividendes
Si l’intérêt versé aux prêteurs est bien fonction du montant de l’emprunt, il n’en va pas de même pour le dividende.
Ce n’est pas le capital investi par l’actionnaire qui détermine le montant du dividende mais le bénéfice de l’entreprise. Celui-ci constitue, alors, la condition indispensable à la distribution des dividendes mais ceci sans aucune limite. Les exemples suivants sont suffisamment éloquents.
Le groupe SOMFY, spécialiste des volets, alarmes, maisons connectés, a distribué au cours des 4 dernières années un dividende moyen de 38,6 millions €, pour un capital investi dans le Groupe de 9,6 millions €, soit un coût de rémunération du capital de 400% .
Chez Hermès, le luxe d’excellence, le capital investi par l’actionnaire dans l’entreprise est de 102 millions € , la moyenne annuelle des dividendes versés au cours des 5 dernières années, est de 460 millions € , soit un coût de rémunération de 450%.
Et les entreprises de taille moyenne ne sont pas en reste : par exemple, dans la grande distribution, une entreprise de 100 salariés distribue à son actionnaire un dividende annuel de 600 000 € pour un capital investi de 600 000€, soit un coût de rémunération de 100%.
Quant au fonds d’investissement français, PAI Partners, le montant des dividendes 2013 a été de 13 millions €, pour un capital investi de 597 milliers €!!! A ce stade là, le calcul du coût de rémunération n’a plus de sens.
Si on compare ce coût du capital avec celui de l’emprunt, on a le vertige, les taux d’intérêt ne dépassent guère 5% et en outre, sont limités par un maximum légal dénommé taux d’usure, d’un montant de 20% actuellement.
Prenons nous un instant à rêver et à envisager une limite identique, un maximum légal , pour le taux de rémunération du capital investi dans l’entreprise. Ou encore, il pourrait être proposé la mesure suivante : lorsque par les dividendes, le capital investi dans l’entreprise aurait été intégralement remboursé à l’actionnaire, ce dernier n’aurait droit qu’à un taux de 10%. Serait-ce un crime de lèse actionnaire ou une décision salutaire pour l’ensemble de la collectivité. ?
Coût du capital et plus value sur les reventes d’entreprises
Tous les jours, on entend que telle entreprise a été revendue à tel groupe sans qu’on mesure vraiment la signification et les conséquences de ces tractations. Pour mieux décortiquer le mécanisme, partons d’un cas fictif.
Cinq actionnaires investissent dans une entreprise un capital de 100 000 €. Pendant quelques années, ils percevront des dividendes puis décident de revendre leur entreprise, et ils trouvent acheteur à 250 000 €.
Lors de cette transaction, les actionnaires ont non seulement récupéré leur mise de départ de 100 000 € mais ils perçoivent un supplément de 150 000 €. Cette plus value constitue donc, après les dividendes une deuxième rémunération de leur capital investi.
Mais la conséquence pour l’entreprise sera une nette aggravation du coût du capital car les nouveaux actionnaires exigeront une rémunération sur l’argent qu’ils ont dépensé, soit 250 000 €.
L’entreprise se trouve dans une situation totalement incohérente, elle est contrainte de rémunérer un capital de 250 000 €, alors qu’elle n’a reçu que 100 000 € , elle est donc pénalisée par la plus value réalisée par l’actionnaire précédent.
Le nouvel actionnaire va, alors faire pression sur les salaires, pas d’augmentation, pas de recrutement, limitera les dépenses d’investissement …, pour dégager une rentabilité suffisante par rapport à l’argent dépensé.
Au bout de quelques années, l’entreprise pourra être revendue à nouveau pour 450 000 € et ainsi de suite. Il va arriver un moment où l’entreprise ne pourra plus répondre aux exigences de l’actionnaire, et ne pourra plus supporter le coût d’un capital qu’elle n’a pas reçu.
Elle risque alors la mort, fermeture, mise au chômage des salariés…au nom du « coût du travail ».
Durant la période dite des 30 glorieuses, seule la première forme de rémunération du capital, à savoir le dividende, avait cours, les entreprises appartenaient à des grandes familles qui n’avaient d’objectif que de transmettre le patrimoine à leurs héritiers.
Mais aujourd’hui dans un système mondialisé, de spéculation effrénée, la revente d’entreprise est devenue très lucrative, à la seule condition qu’on fasse pression sur tous les coûts de l’entreprise et principalement sur le travail. L’exemple de la société de transport Norbert Dentressangle, est particulièrement significatif : pour un capital de 38 millions €, le prix de vente du Groupe s’établira à 2,4 milliards € en 2015. La différence entre le montant du capital investi dans l’entreprise et celui payé par le nouvel actionnaire, soit 2,3 milliards va dans les poches des actionnaires précédents et non dans celle de l’entreprise.
Coût du Capital et rachat d’actions
L’avidité des actionnaires ne connaît plus de limites et depuis 1998, une autre forme de rémunération leur a été autorisée : le rachat d’actions par l’entreprise dont un des objectifs est de faire remonter le cours de la bourse (voir notre définition: rachat d’actions) et d’enrichir artificiellement l’actionnaire au détriment de l’entreprise. « Leurs actionnaires ne sont plus là pour apporter de l’argent mais pour en extraire » déclare JM VITTORI dans les Echos du 3 mars 2015, à propos de cette nouvelle mode américaine de rachat et destruction d’action.
Cout du capital : une notion masquée
Pour les plus values réalisées sur les reventes d’entreprise qui sont souvent à l’origine de grandes fortunes acquises rapidement, les informations sont souvent confidentielles. Le cours de bourse pour les entreprises cotées constitue cependant un indicateur : il faut préciser que l’augmentation de la valeur d’une action n’apporte pas un centime d’euro dans l’entreprise mais constitue une plus value pour le détenteur de l’action.
Pour les dividendes, l’approche est rendue complexe pour les trois raisons suivantes :
Une comptabilisation particulière : le dividende n’est pas considéré comme une charge pour l’entreprise. Il faut donc être soit un peu spécialiste pour en déterminer le montant ou avoir accès aux différents rapports financiers.
Un discours idéologique bien rôdé : le dividende n’est jamais présenté en rapport avec le capital investi mais le plus souvent en pourcentage du chiffre d’affaires. Combien de fois avons nous entendu, l’actionnaire n’est pas gourmand, il ne prélève que 3% du chiffre d’affaires. Mais quand vous placez de l’argent à la banque, est ce que vous demandez d’être rémunéré sur le chiffre d’affaires de la Banque ou sur la somme placée ?
Mais pour stigmatiser encore plus le coût du travail, et masquer totalement celui du capital, les actionnaires ont mis en place de nouvelles organisations d’entreprises, constituant de véritables écrans d’enfumage pour les salariés.
En effet, la création d’une multitude d’entreprises dans un même Groupe permet d’optimiser les bénéfices et les dividendes versés tout en les masquant aux yeux de la grande masse des salariés.
Une organisation complexe, cache ultime des dividendes
Les types d’organisation varient en fonction de l’activité, de la taille du groupe, du périmètre géographique (national ou mondial), mais le principe de base est toujours le même : mise en déficit systématique des entreprises de production par des transferts de marge à des filiales qui s’accaparent le résultat. Et le chantage au coût du travail peut aller bon train, puisque l’entreprise qui occupe le plus grand nombre de salariés, employés ou ouvriers, ne serait pas « rentable ».
Et le rôle de ces nouvelles organisations est d’exercer une pression permanente sur la rémunération du travail et le montant des impôts, sous le beau vocable d’ « optimisation fiscale ».
Ce site a pour but de démonter les différents mécanismes de transfert des résultats et de mettre au grand jour le véritable coût du capital de manière concrète à partir de cas réels d’entreprises et de groupes aussi divers dans leur taille, leur activité ou leur notoriété que variés dans les montages juridico-financiers.
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